Puis-je donner des ordres à mes gardiens ?

Le sentiment que chacun porte à nos gardiens est souvent passionnel. Ils sont à la fois indispensables pour le confort et la sécurité de tous, mais ils sont un centre de coût important ; ce sont de grands travailleurs, mais ils ne sont jamais là quand nous avons besoin d’eux ; ils travaillent quand ils veulent, mais les parties communes sont toujours propres, etc. Chacun d’entre nous dispose d’arguments aussi imparables, qu’universels et définitifs.

Que n’a-t-on entendu à leur sujet ? Aussi, il nous est apparu nécessaire de faire le point sur le rôle au sein d’une copropriété.

Qui est l’employeur d’un gardien d’immeuble ?

Gardiens et employés d’immeuble ne sont ni les salariés du syndic, ni ceux des copropriétaires. Ils restent et demeurent les salariés du syndicat des copropriétaires.

Tout devient plus clair en faisant un parallèle avec le monde de l’entreprise :

  • le syndicat des copropriétaires représente l’entreprise ;
  • les copropriétaires sont les actionnaires de cette entreprise ;
  • le conseil syndical est le conseil d’administration de l’entreprise ;
  • et le syndic représente la direction de l’entreprise.

Dans ce contexte, les gardiens et les employés d’immeuble sont les salariés de l’entreprise. Ils ne sont, par voie de conséquence, les salariés ni des actionnaires (les copropriétaires pris individuellement), ni du conseil d’administration (les membres du conseil syndical, pris collectivement ou individuellement), ni de la direction (le syndic).

Pour une meilleure compréhension, lors des changements de direction de l’entreprise (ou du syndic de la copropriété) décidés par les actionnaires (les copropriétaires), les salariés de l’entreprise (les gardiens et employés d’immeuble) restent à leur poste.

Et derechef, il est indéniable que les gardiens et employés d’immeuble sont aux ordres exclusifs du syndic, lequel assume la direction de l’entreprise et donc le recrutement, la gestion de la paie, des congés des absences etc. ainsi que leur supervision.

C’est la raison pour laquelle le syndic refuse, à bon droit, que les conseillers syndicaux et les copropriétaires interviennent dans la supervision, leur donnent des ordres voire leur fassent des remontrances.

A-t-on déjà vu, dans une entreprise, les membres du conseil d’administration et les actionnaires en faire de même avec les salariés !

C’est encore la raison pour laquelle l’assemblée générale ne déterminent que le « nombre et la catégorie des emplois » (article 31 du décret du 17 mars 1967), sans avoir à en discuter du détail des recrutements, des sanctions voire des congés des employés.

Les copropriétaires sont les bénéficiaires des prestations des employés et qu’ils en payent le coût : en fait, ils sont les clients de la prestation qu’ils payent et qui est délivrée par le syndicat, comme les actionnaires peuvent être clients de l’entreprise dont ils possèdent une part du capital.

Droits et devoirs des copropriétaires à l’égard des gardiens et employés d’immeuble

Si les copropriétaires ont des droits, ce sont ceux du client à l’égard du prestataire qu’est le syndicat des copropriétaires dont ils sont membres, ou bien s’ils sont membres du conseil syndical, ceux d’un conseil d’administration concernant la gestion de l’entreprise.

Les copropriétaires ne peuvent interférer dans la gestion juridique et administrative du personnel, ni signer de contrats, d’autorisations ou même de simples courriers à l’égard des employés du syndicat, et s’ils ont à connaître des aspects de cette gestion – possibilité qui doit être exclusivement réservée aux membres du conseil syndical – ils doivent observer un strict devoir de réserve et de confidentialité.

[…]

Enfin, ils doivent autant que possible respecter une stricte neutralité en cas de conflit entre un employé et le syndic – a fortiori lorsqu’ils sont membres du conseil syndical ! – toute intervention pouvant être utilisée par le salarié concerné contre le syndicat des copropriétaires !

La cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 20 septembre 2018. Seul le syndic peut et a droit d’exercer les prérogatives d’un employeur sur le gardien d’immeuble. Il faut que chacun comprenne que quiconque des copropriétaires, fusse-t-il appartenir au conseil syndical, adopte une attitude assimilée à du harcèlement moral vis-à-vis du gardien engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires. La Haute Juridiction précise encore que ledit syndicat, représenté par son syndic, a la responsabilité d’assurer la sécurité et la protection physique et morale du gardien. Par voie de conséquence, le syndic est habilité à agir en justice directement à l’encontre des copropriétaires harceleurs en arguant du fait de l’existence d’un trouble collectif causé par les agissements de ces copropriétaires.

Comme dans toute entreprise, des conflits du travail peuvent intervenir entre les salariés et leur direction, et le droit et l’équité ne sont pas toujours du côté de l’employé.

La difficile supervision des salariés décentralisés

C’est la plus grande des difficultés de la gestion des copropriétés : faire comprendre aux copropriétaires que gardiens et employés d’immeuble restent des salariés autonomes que personne – ni le syndic, ni le conseil syndical, ni les copropriétaires – ne peut superviser aussi étroitement que sont supervisés des salariés internes d’une entreprise. Et le conseil syndical ne doit apporter qu’une assistance discrète, utile mais limitée.

Les copropriétés doivent alors faire confiance à leurs employés.

Ce qu’on ne doit pas faire faire à un gardien ou un employé d’immeuble

Pour le compte de la collectivité

La tentation est grande de demander à son gardien d’effectuer le plus possible de tâches pour lesquelles il faudrait autrement recourir à des entreprises.

Mais les possibilités offertes sont encadrées très strictement par le Code du Travail et la Convention Collective des Gardiens, Concierges et Employés d’Immeubles :

  • la charge de travail : les tâches imparties, pour les gardiens, doivent :
    • soit être évaluées en temps de travail puis traduites en unités de valeur
    • soit traduites directement en unités de valeur,

et le total ne doit pas excéder un taux d’emploi de 125 % (correspondant à un temps de travail de 120 % de la durée légale du travail).

  • la qualification des salariés concernés : il est impératif de s’abstenir, au risque, en cas d’accident, de devoir (pour le syndic comme pour le conseil syndical) d’en répondre en correctionnelle, de demander des interventions même de petites réparations sur l’installation électrique à un employé ne disposant pas d’une qualification d’électricien (par exemple, la réparation d’une minuterie ou le remplacement d’ampoules sur des candélabres extérieurs, etc.), des interventions sur un ascenseur (désincarcérations, déblocages de portes palières, etc.), etc.
  • l’opportunité de confier les tâches concernées à un salarié de la copropriété plutôt qu’à une entreprise.

Compte tenu notamment de ce qui précède concernant la difficulté de supervision des salariés décentralisés, l’économie n’est qu’apparente !

Pour le compte de résidants pris individuellement

Il va sans dire qu’une vigilance toute particulière doit être exercée à l’encontre du recours par les résidants aux services « privés » du gardien ou des employés pour leurs besoins personnels.

Les dérives constatées en la matière constituent une véritable plaie dans les copropriétés et ruinent pour longtemps toute velléité de bonne gestion du personnel.

Source : https://www.rostimmo.com/single-post/2017/06/26/puis-je-donner-des-ordres-%C3%A0-mon-concierge